Aux origines de la médaille française, par François PLANET
L’art de la médaille remonte à la Renaissance italienne. En 1438, lors du concile de Ferrare, le pape Eugène IV demande à Antonio di Puccio Pisano dit Pisanello de créer pour l’empereur de Byzance Jean VIII Paléologue un nouveau support artistique valorisant au mieux l’allié de toujours, venu signer une alliance contre les Turcs. La médaille, telle que nous l’entendons depuis, est officiellement née. Au droit, figure le portrait du commanditaire accompagné de ses noms et titres. Au revers, son emblème personnel ou une allégorie renvoyant à ses vertus illustrent sa devise[1]. Sur les deux faces d’un même disque de métal, ce que l’on est s’associe à ce que l’on voudrait être, voire à ce que l’on voudrait que le monde soit. Immédiatement admirées par tous, les médailles vont aussitôt devenir des objets à la mode, un luxe obligé. Hommes politiques ou de guerre, savants, bourgeois ou même ecclésiastiques et courtisanes, commandent aux meilleurs médailleurs de leur temps leur « portrait métallique ».
C’est à l’occasion du retour en France des rois suite aux guerres d’Italie que les premières véritables médailles françaises sont coulées ou frappées à Lyon en 1494 et 1499 et à Tours en 1501.
À Lyon, Il s’agissait d’offrir à Charles VIII puis à Louis XII et Anne de Bretagne, des présents comparables à ceux qu’ils avaient pu découvrir ou recevoir au-delà des Alpes. Ces premières médailles lyonnaises surprennent tant par leur qualité artistique que par leur originalité : le roi et la reine sont mis sur un même pied d’égalité, chacun occupant pleinement une face. Paradoxalement, l’utilisation de lettres gothiques dans les légendes ainsi que d’éléments héraldiques tels les fleurs de lys ou les hermines dans le décor, inscrit ces productions à mi-chemin entre un art médiéval hiératique finissant et une expression artistique nouvelle, maintenant orientée vers la personne et non plus seulement vers la fonction de cette dernière[2].
Frappée à l’occasion de sa visite à Tours en 1501, la médaille en or de Louis XII fait clairement référence à la victoire française dans le Milanais puisque le souverain porte le titre de roi de France ainsi que celui de duc de Milan. Son portrait, remarquablement exécuté par Jean Chapillon, est dû au sculpteur Michel Colombes qui reçut un écu d’or pour le dessin des coins. Au revers figure un porc-épic, symbole personnel de Louis XII. Nous retrouvons cet emblème propre aux Orléans sur les traditionnels écus d’or du roi, permettant ainsi de les distinguer de ceux de ses prédécesseurs. La tradition italienne ne se limite pas aux villes où séjourne la cour royale mais s’établit également dans les cours princières périphériques.
L’exemple savoyard autant que l’épisode napolitain de Robert d’Anjou ont eu pour conséquence le recrutement de graveurs qui produisent des médailles en Bourgogne et en Dombes, à la cour d’Anjou-Lorraine-Provence puis au plus près du roi et de ses proches.
Pourtant la médaille française peut revendiquer une autre filiation : celle de la monnaie médiévale. Les toutes premières « médailles » frappées en France sont plus anciennes et remontent aux années 1455-1480. Elles sont en argent voire en or et ressemblent à de grosses pièces de monnaie. Les nommer médaillons, par analogie aux multiples frappés sous le Bas Empire romain serait plus approprié. La plus célèbre, conservée au Cabinet des médailles de la Bibliothèque nationale de France, remonte à Charles VII. Elle est appelée « calaisienne » par ses origines. Elle figure le roi assis en majesté au droit et à cheval au revers. Frappés de 1451 à 1460, ces médaillons sont destinés à la cour et aux plus valeureux chevaliers ; ils renvoient aux événements marquants de l’époque. En cela, ce sont véritablement des médailles. Mais leur iconographie, la composition même de l’image véhiculée ou le contenu et la graphie de la légende monétaire restent profondément médiévales. Les deux faces montrent toujours des représentations stéréotypées du souverain et ne mettent pas en avant sa personnalité. Elles sont empruntées à l’ancien lexique sigillographique mais rappellent surtout des monnaies anciennes et réputées : le franc à cheval de Jean II le Bon et la masse d’or de Philippe IV le Bel par exemple pour la « calaisienne ». Parfois appelés « désirés » en raison de leur forte valeur métallique, ces médaillons correspondent à une version magnifiée de la monnaie royale ; ils sont très recherchés à ce titre, en vue d’une thésaurisation ou d’une épargne sur le long terme[3].
[1] Michel Pastoureau, La naissance de la médaille : le problème emblématique, Revue Numismatique 1982, p. 206-221 et La naissance de la médaille : des impasses historiographiques à la théorie de l’image, Revue Numismatique 1988, p. 227-247.
[2] Jean Tricou, Médailles lyonnaises du XVe au XVIIIe siècle, Paris, 1958, p. 5-6.
[3] Inès Villela-Petit, la médaille de Charles VII dite « calaisienne », France 1500, Paris, 2010, p. 80-82.