Jetons OTL
Lorsque la Société des Omnibus et Tramways de Lyon frappait monnaie
Le phénomène des monnaies dites de " nécessité " remonte à la plus haute antiquité. Mais dans notre pays il prit une ampleur démesurée dès le début de la première guerre mondiale en 1914.
Dès cette époque, les monnaies frappées en argent furent immédiatement thésaurisées. Les petites valeurs frappées en bronze ou en nickel se raréflèrent moins du fait des besoins en métaux des industries de guerre qu'à cause de la dissémination de la population active et valide. Là où auparavant un porte-monnaie suffisait pour huit à dix personnes, il en fallut bientôt un par individu. D'où une exigence accrue de petites valeurs métalliques.
Bientôt des villes, des Chambres de Commerce, des Sociétés de transport en Commun, des Syndicats de commerçants, des coopératives et des sociétés privées émirent des espèces de faible valeur en cuivre, en laiton, en aluminium, voire même en carton pour pallier aux besoins de la circulation monétaire. Le Gouvernement après avoir interdit de tels procédés, dut les tolérer pour masquer son impuissance à les contrôler. Et il fallut attendre le 29 Avril 1921 pour voir un texte reconnaître les émissions des villes et des Chambres de Commerce.
A Lyon la société 0.T.L. ne faillit pas à l'engouement de l'époque et procéda à des émissions répétitives à raison de une par an. Lyon est une des rares villes où l'on rencontre un grand nombre de types de jetons émis par une société de Transports en Commun [1]. Les recherches dans les archives de l'O.T.L. sont restées vaines pour obtenir les renseignements de base. D'après M. Jean Arrivetz [2], il n'est pas interdit de supposer que les documents concernant ces émissions aient été détruits volontairement du fait du manque de bases légales de l'opération.
On sait toutefois par M. Canat de Chizy [3] que la première frappe décidée fin 1916 et réalisée courant 1917 se composait de 1.000.000 de jetons dont le coût fut de 67 000 francs-or, frais de frappe et perte de cuivre non rendus. Ces frais furent paraît-il compensés par la valeur des jetons non présentés au remboursement en fin de validité.
A part cette première émission il est donc pratiquement impossible d'être renseigné sur les dates exactes des émissions et sur le tirage de chacune d'entre elles. Tout au plus peut-on déduire que l'émission N°1 a eu une durée d'utilisation de l'ordre de 18 mois, que l'émission N°3 a pu avoir une durée de circulation de l'ordre de 16 à 17 mois puisque sa date de validité expire le 31 décembre 1920, alors que le tarif de seconde classe est passé de 10 à 20 centimes le 19 juillet 1919
Seule l'émission N°4 semble avoir eu une existence plus courte puisque sa validité expire le 31 décembre 1920 alors que le tarif du trajet était passé à 25 centimes le 1er avril 1920. Il n'y a en effet pas de raison de penser que ces pièces aient pu circuler au-delà de leur date limite de validité du fait de l'alternance systématique, à partir de 1920, de types carrés et de types ronds destinés à repérer les jetons périmés. Les émissions au nombre de 8 se distinguent les unes des autres par le métal employé, la forme, la valeur faciale et la date limite de la validité du jeton.
Chacun d'entre eux porte au droit: " O.T.L Bon pour un trajet de... C. Valable jusqu'au 31 décembre 19.. " Au revers : " Ce jeton n'est pas remboursable en espèces ".
Tous ces jetons sont contremarqués de l'estampille :
Les derniers jetons frappés expirent le 31 décembre 1924 et il ne semble pas que leur circulation se prolonge au-delà de cette date, les tarifs ayant été portés à 30 centimes dès le 1er juillet 1924. D'ailleurs peu de temps après une loi du 12 janvier 1926 prescrirait le retrait définitif de la circulation de toutes les monnaies de nécessité.
Enfin pour être complet, il faut mentionner l'existence de jetons-monnaie de sociétés de transport en commun qui furent par la suite absorbées par l'OTL:
- les Omnibus de St. Clair Berthaud et Cie. et les Ecossaises de Vaise
- la Compagnie du Chemin de Fer de Lyon à la Croix-Rousse ("Ficelle" de la rue Terme affermée par l'OTL en 1905 et absorbée dérinitivement en 1941) qui émit de gros jetons rectangulaires en laiton portant la mention "bon pour une carriole"
- la Compagnie des Bateaux Mouches rachetée par l'OTL en 1906, qui émit un jeton rond de laiton portant "Traversée de Lyon" et un autre plus petit valable pour une " Correspondance " ainsi qu'un jeton de 15 centimes en aluminium.
Jacques DELESCLUSE
[1] - Deux sociétés de Transports en commun seulement ont émis plus de 8 jetons : les Tramways de Nantes (13) et les Bateaux Parisiens (20)
[2] - M. Arrivetz est un ancien cadre de la Compagnie OTL actuellement en retraite
[3] - M. Canat de Chizy était ingénieur à la Société des Transports en Commun de Lyon
N° | Valeur faciale Bon pour 1 trajet de |
Date de validité Valable jusqu'au |
Métal | Profil | Cotes L ou O |
Particularités |
1 | 10 centimes |
31/12/1918 |
Cu | Cc. plein | 21,5 mm | 1 étoile au D/ |
2 | 10 centimes |
31/12/1919 |
Lt | Oct. plein | 21,5 mm | grenetis au D/ grenetis au R/ |
3 | 20 centimes |
31/12/1920 |
Lt | Cc. plein | 21,5 mm | |
4 | 25 centimes |
31/12/1920 |
Lt | R. plein | 26 mm | cercle - 1 étoile |
5 | 25 centimes |
31/12/1921 |
Lt | Cc. troué | 21,5 mm | 2 roses au R/ |
6 | 25 centimes |
31/12/1922 |
Lt | R. troué | 26 mm | grenetis au D/ 2 x 4 roses au R/ |
7 | 25 centimes |
31/12/1923 |
Lt | Cc.plein | 26 mm | |
8 | 25 centimes |
31/12/1924 |
Lt | R. troué | 26 mm | 2 roses au R/ |
>>> Si cette communication vous a intéressé, vous pourrez approfondir ce sujet en visitant le site créé par M. Bernard Carruesco, membre du Club Numismatique de Crouy-en-Thelle, concernant les jetons des sociétés de tramway françaises dans les années 1920 : https://twjeton.pagesperso-orange.fr/